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écrivain belge - Page 3

  • Besoin d'exister

    nathalie skowronek,karen et moi,roman,biographie,autobiographie,littérature française,belgique,écrivain belge,karen blixen,vie de femme,écriture,culture« Je le porte en moi, ce livre que je voudrais écrire. Je voudrais raconter la vie de Karen Blixen. Cette femme me parle. Karen est ma sœur, son chemin est le mien. Je voudrais dire ses désirs, ses épreuves, son besoin d’exister. Tracer les contours de ce qui l’amène à créer. J’ai l’impression qu’en parlant d’elle j’arriverai à parler de moi. Je suis lasse, lasse de mentir. Et, comme Karen, j’ai l’espoir que l’écriture pourra me sauver. »

    Nathalie Skowronek, Karen et moi

    © Jan Goedhart, Portrait de femme écrivant, 1930

  • Funambule

    Skowronek Grasset.jpeg« Tout remonte dans un flux désorganisé de sensations et de souvenirs. L’image d’un été à New York est la première à s’imposer. Daniel y suivait une formation, Véronique courait les musées. Il lui avait acheté son premier tableau : une funambule qui perd l’équilibre. Ils étaient jeunes, Véronique s’amusait de tout. Les séquences d’un film heureux défilent. Elles l’emmènent loin. Une ombre passe. »

    Nathalie Skowronek, La carte des regrets

  • Que savons-nous ?

    « Que ceux qui ont connu et aimé Véronique Verbruggen soient les bienvenus. » La carte des regrets (2020) de Nathalie Skowronek s’ouvre sur cette invitation à une soirée d’hommage en l’honneur de celle qui dirigeait une petite maison d’édition d’art parisienne. Et sur des questions. Titus Séguier quittera-t-il Finiels (Mont Lozère) pour y aller ? Qu’apprendra-t-on sur la « personnalité secrète » de Véronique, selon les dires de sa complice, Francesca Orsini, une céramiste italienne ? « Que savons-nous de l’existence de ceux qui nous entourent ? »

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    Même sa fille Mina, vingt et un ans, étudiante au conservatoire de piano, s’interroge sur la vie de sa mère et les circonstances de sa mort : son corps a été trouvé par un randonneur sur le GR 70, non loin du col de Rabusat. Daniel Meyer, le mari de Véronique depuis dix-neuf ans, l’a épousée enceinte d’un autre. Ophtalmologue jovial, c’est lui qui a acheté les soixante mètres carrés de la rue Cassette pour lancer sa maison d’édition, et lui a présenté Francesca. Un mari bienveillant par rapport aux nombreuses absences de sa femme pour son travail, son besoin de nature ou de solitude.

    « Car Véronique oscillait entre le trop lointain et le très proche, prenant le large, faisant marche arrière, préparant son retour en même temps qu’elle envoyait les signaux du départ. » Elle aimait marcher dans les Cévennes, sur les chemins de Stevenson, regarder les arbres, les oiseaux, les chevaux de Przewalski. Quand la police l’appelle,  Daniel s’effondre ; il ignorait le problème cardiaque de sa femme (une stagiaire qui l’avait trouvée fatiguée, essoufflée, l’avait encouragée à voir un cardiologue).

    C’est leur passion pour le peintre flamand Jeroen Herst (un petit maître du XIXe) qui a rapproché Véronique et le cinéaste Titus Séguier, réalisateur de documentaires. Herst peignait le Bas-Escaut, la Lys, la mer du Nord – « Voilier rentrant au port » est une des toiles préférées de Véronique – et il était aussi botaniste. En visite à Gand chez l’arrière-petite-fille du peintre, en vue de réaliser un film sur lui, Titus a appris qu’une éditrice était  aussi venue la voir.

    A leur premier rendez-vous à Paris, lui est curieux de ce « drôle d’échalas à cou de girafe » et lui parle des Cévennes – « chez lui ». Véronique est séduite : « Cet homme m’embarque pour une conversation infinie. » Lorsqu’elle ira dans la maison de Titus (le Mas de l’alouette), une ancienne bergerie aménagée par lui, elle acquiescera aux mots gravés sur l’arbre en face : « Ici c’est le paradis ».

    L’amour de Titus ne l’a pas menée jusqu’à la rupture avec Daniel, celui-ci ne veut pas l’interroger sur ses absences. Véronique ne peut quitter l’un pour l’autre : « Daniel était sa famille, Titus son amour. » La carte des regrets suit les traces des déplacements de Véronique, montre le mari sauvegardant l’œuvre éditoriale et préparant une soirée d’hommage à sa femme, où Titus ne figure pas sur la liste des invités. Le réalisateur, de son côté, prépare un documentaire sur elle – les magazines d’art associent leurs deux noms.

    Quant à Mina, la fille de Véronique, bouleversée par la mort de sa mère et désireuse de comprendre la part de sa vie qu’elle lui a tenue secrète, tout en soutenant Daniel, son père adoptif, elle voudrait rencontrer Titus. Nathalie Skowronek rend avec une belle sensibilité déjà perçue dans Max, en apparence le cheminement de la douleur chez ces trois personnages et, en creux, les choix et les hésitations d’une femme.

    La romancière bruxelloise, élue cette année à l’Académie où elle sera reçue le 29 octobre prochain, pose sur le triangle amoureux un regard plein d’empathie. « Du moment où elle avait confondu rupture et abandon, Véronique rendait tout départ impossible. » C’est dans une peinture de Jeroen Herst qu’elle nous donne la clé de l’énigme posée dans ce roman court et attachant. Loin des dénouements explicites, la fin, jugée « un peu alambiquée » par Monique Verdussen (La Libre Belgique), m’a semblé subtile, comme l’exprime Joseph Duhamel dans un coup de cœur du Carnet (Le Carnet et les Instants).

    Quant au titre La carte des regrets, peut-être inspiré par la Carte de Tendre que j’ai choisie pour illustrer ce billet, il attire l’attention à la fois sur les allées et venues de l’éditrice et sur la délicatesse avec laquelle Nathalie Skowronek décrit les sentiments – « Ensuite, il faut passer à Sensibilité, pour faire connoistre qu’il faut sentir jusques aux plus petites douleurs de ceux qu’on aime. » (Madeleine de Scudéry, Clélie, Histoire romaine)

  • Seuil

    Toussaint Monet Minuit (rogné).jpg« Tous les matins,
    lorsqu’il entre dans l’atelier,
    Monet prend congé du monde.
    Il passe le seuil, et, devant lui,
    de l’autre côté de la porte,
    encore invisible, immatériel,
    c’est l’art qui l’attend. »

    Jean-Philippe Toussaint,
    L’instant précis où Monet entre dans l’atelier

    Couverture rognée et mise en page du texte T&P

  • L'instant précis

    C’est un tout petit livre des éditions de Minuit, trente pages à peine : L’instant précis où Monet entre dans l’atelier. Jean-Philippe Toussaint veut saisir Monet « là, à cet instant précis où il pousse la porte de l’atelier dans le jour naissant encore gris. » Le titre du texte en est le leitmotiv. 

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    Monet dans l'Atelier des Nymphéas (source : Fondation Monet)

    « C’est le moment du jour que je préfère, c’est l’heure bénie où l’œuvre nous attend. » Eté 1916. « Depuis quelques mois, Monet a pris possession du grand atelier qu’il s’est fait construire en haut de son jardin pour pouvoir travailler sur les vastes formats des panneaux des Nymphéas. »

    Ma première visite à l’Orangerie pour voir les salles des Nymphéas reste une de mes plus grandes émotions esthétiques à ce jour, la plus grande en peinture, peut-être. J’avais dix-sept ans. J’ai appris alors l’histoire de ces grands panneaux, chef-d’œuvre du peintre, histoire qu’on retrouve en filigrane du texte de Jean-Philippe Toussaint, axé sur les perceptions et sur la création artistique.

    « Ce que Proust avait fait avec des mots, en transformant ses sensations et son observation du monde en un corpus immatériel de caractères d’imprimerie, Monet le fera avec des couleurs et des pinceaux. » Monet se met à travailler aux grands formats des Nymphéas pendant la guerre de 1914-1918. Le lendemain de l’armistice, il écrit à son ami Clemenceau pour offrir « deux panneaux décoratifs » à l’Etat par son intermédiaire. On sait ce qu’il en adviendra.

    Les nymphéas du jardin de Monet et ses Nymphéas sont régulièrement mis à l’honneur sur Giverny News, où Ariane, guide à Giverny, partage ses photos et ses chroniques. Si vous ne connaissez pas son blog, voici les liens vers des billets qu’elle a consacrés à l’amitié entre le peintre et Clemenceau, aux Nymphéas de l’Orangerie, à l’atelier.

    En guise de remerciement, Toussaint précise ceci : « C’est mon ami Ange Leccia qui m’a donné l’envie d’écrire sur Monet. » Le musée de l’Orangerie présente jusqu’au 5 septembre son œuvre (D’) Après Monet. Ange Leccia a conçu pour le musée un arrangement vidéo « qui propose de sentir et de lire la polysémie des Nymphéas de Monet à partir de l’histoire de la genèse de cette œuvre magistrale. » (Site de l’Orangerie)

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    Deux captures d’écran de la vidéo d’Ange Leccia, « (D’) Après Monet » (2020), exposée au Musée de l’Orangerie.
    ANGE LECCIA, PARIS, ADAGP, 2022 (Source : Le Monde)

    Sollicité par le musée, raconte Roxana Azimi dans Le Monde, « le vidéaste s’est immergé dans la bulle de verdure de Giverny à la nuit tombée et aux petites heures du jour. » (Le Monde, 4/3/2022) Et c’est ainsi que L’instant précis où Monet entre dans l’atelier de Jean-Philippe Toussaint emmène notre imagination en balade, de Giverny à Paris. « A peine trente pages, qui nous racontent ce qu’on savait déjà et nous montrent ce qu’on avait déjà vu, mais donnent l’illusion d’une révélation. Comme un supplément de grâce. » (Jérôme Garcin, L’Obs, 10 mars 2022)